Ceux parmi vous qui ont lu le précédent article distillant certains conseils dans le but d’améliorer la réussite de l’élevage lors de la période hivernale en savent maintenant un peu plus quant aux moyens efficaces d’utiliser l’éclairage artificiel, ainsi que l’utilité potentielle du chauffage ou d’une plaque chauffante dans le pigeonnier d’élevage.
Dans cette partie, je vais essayer de vous donner quelques petits conseils afin de mettre toutes les chances dans votre camp et réussir le meilleur élevage possible. Je tiens à préciser que toutes les informations que vous pourrez lire dans cet article sont basées sur des études scientifiques récentes réalisées sur des pigeons voyageurs et publiées dans des revues scientifiques. Bien sûr, il n’existe aucune formule magique miracle, mais c’est en essayant d’améliorer les choses point par point que l’on fera petit à petit la différence sur le long terme.
J’aborderai aujourd’hui quelques points cruciaux, comme les vaccinations, les traitements conseillés aux éleveurs ou encore l’alimentation des éleveurs. Beaucoup d’articles ont déjà pu être écrits sur le sujet, c’est pourquoi j’aborderai ce sujet d’une façon un peu particulière en essayant d’expliquer les mécanismes le plus en profondeur possible. Avoir des informations, c’est bien, les comprendre c’est encore mieux. Je vais donc essayer de vous expliquer certaines notions compliquées de façon la plus simple possible.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’immunité d’un pigeonneau dans son plus jeune âge, c’est à dire sa capacité à lutter naturellement contre les maladies, est directement dépendante de l’immunité de ses parents. En effet, le jeune pigeon ne commence à produire ses propres défenses immunitaires qu’à partir d’environ 3 à 4 semaines.
Les anticorps, mécanismes de défense contre les virus, bactéries, ne peuvent pas être produits avant cet âge. La protection immunitaire est alors assurée par les anticorps que ses parents (surtout la mère) lui auront transmis. Ceci peut paraître très théorique, mais au final aura une importance capitale sur énormément de points très précis en pratique. Nous y arriverons petit à petit.
Tout d’abord, il faut savoir que ces anticorps peuvent être transmis de 2 façons différentes des parents aux pigeonneaux.
La première (majoritaire) par l’intermédiaire de l’œuf, où la mère accumulera ces anticorps dans le jaune d’œuf. Ces anticorps seront ensuite assimilés par le jeune durant son développement dans l’œuf.
La seconde (très minoritaire) sera transmise par l’intermédiaire du lait de jabot durant les 24 premières heures suivant l’éclosion. Cette transmission sera minoritaire car seulement une quantité infime des anticorps passera à travers l’intestin du jeune pigeon (contrairement aux mammifères, où ce qu’on appelle le 1er lait « le colostrum » aura une importance capitale).
Ceci implique déjà une 1ère conséquence pratique très importante. Une grande partie de l’immunité du pigeonneau se décidera au moment de la formation du « futur » jaune d’œuf par la mère, soit pendant la période que l’on appelle habituellement « la chasse au nid ».
En effet, la quantité d’anticorps présente dans le jaune d’œuf, et donc plus tard chez le pigeonneau, dépend de la quantité d’anticorps présent dans le sang de la mère à ce moment très précis. Il serait donc très intéressant de s’attarder sur les paramètres qui peuvent faire varier la teneur en anticorps sanguin de la femelle durant cette période.
Les facteurs qui augmentent l’immunité ?
Tout d’abord, et cela n’est plus un secret, la vaccination. Vacciner un pigeon, contre la paramyxovirose, la paratyphose, etc., provoque chez le pigeon une double réaction. Non seulement, elle produit une protection à long terme contre le virus où la bactérie contre laquelle on veut le protéger, mais elle produit également à court terme une stimulation de l’immunité, justement dans le but de lutter contre « l’intrus » (le vaccin) que l’on vient de lui injecter.
Conclusion directe, il est donc intéressant de vacciner les femelles reproductrices « avant » l’accouplement, pour bénéficier au maximum de cet effet. Toute la difficulté réside dans le fait de choisir le bon moment, ni trop tôt, ni trop tard pour vacciner ses femelles. Ceci répond également clairement aux amateurs qui penseraient que vacciner des reproducteurs « qui ne sortent jamais » ne sert à rien.
En plus du risque qu’ils prennent pour leurs pigeons malgré le fait que ceux-ci ne sortent pas, ils privent également leurs jeunes de cette immunité particulièrement intéressante.
Autre facteur qui intervient dans l’immunité, l’alimentation. En effet, certaines vitamines comme la vitamine A ou la vitamine C ont un effet démontré depuis longtemps sur l’immunités des oiseaux. A nouveau, il sera donc intéressant de réaliser à ce moment là une cure avec son mélange vitaminé, ce qui augmentera donc l’immunité de la mère ainsi que les teneurs de ces vitamines dans l’œuf.
Les facteurs qui diminuent l’immunité ?
Ils se résument presque tous en un mot : « les antibiotiques ». Et oui, chaque fois que l’on donne un antibiotique à un pigeon, nous diminuons d’une façon ou d’une autre son immunité. Au plus le pigeon reçoit couramment des antibiotiques, au plus son immunité sera faible.
Concrètement, on déconseillera donc toute cure, surtout les cures « inutiles » ou dites « préventives », surtout durant cette période. Si on constate que nos femelles reproductrices sont malades, et qu’elles nécessitent un traitement, on conseillera donc de repousser un peu l’accouplement, le temps de pouvoir effectuer le traitement.
Dans le cas, où l’on constaterait une faible contamination (de trichomonas par exemple), on préfèrera donc traiter les parents plus tard, durant la couvaison par exemple.
Bref, la phrase couramment entendue je vais faire une cure contre la paratyphose avant d’accoupler (alors que les pigeons ont l’air en bonne santé) est d’un parfait non sens. (Mais nous reparlerons de cela dans un prochain article).
Avant d’en terminer avec ce chapitre sur l’immunité, il est important de savoir que même si l’intestin ne laisse plus passer les anticorps du lait de jabot des parents, le lait de jabot celui-ci contient malgré tout une quantité très importante d’anticorps, principalement de ceux qu’on appelle les « IgA ». Ces anticorps auront un rôle prépondérant dans la protection des pigeonneaux durant la 1ère semaine.
Car bien qu’au bout d’un jour ils ne passent plus la barrière de l’intestin, ils jouent un rôle capital dans la protection contre les bactéries dans l’intestin lui même, au niveau local. Ils formeront notamment avec les « bonnes bactéries » une sorte de « tapis » qui empêchera les « mauvaises bactéries » de s’installer.
De la même façon qu’une grande partie de l’immunité du pigeonneau se jouera avant même que le 1er œuf ne soit pondu, d’autres facteurs très importants influenceront également l’élevage. C’est là qu’entre une notion trop souvent oubliée par le colombophile, « l’alimentation pré-accouplement ».
l’alimentation pré-accouplement
Tout comme les anticorps, d’autres nutriments excessivement importants seront présent dans le « jaune » de l’œuf. C’est donc à nouveau durant cette période, voire plus tôt encore, qu’il va falloir les apporter à la femelle.
En effet, la période de chasse au nid n’est pas la période la plus propice pour que la femelle fasse des réserves vu l’acharnement avec lequel le mâle peut parfois la harceler. Il s’agira donc d’enrichir l’alimentation en certains nutriments avant même l’accouplement. Les réserves de minéraux (calcium, phosphore,…); oligo-éléments (zinc, sélénium, fer,…) ; vitamines (A,D,E) devront être à leur maximum pour le jour J. Car si ce n’est pas le cas, le pigeonneau ne sera même pas encore né qu’il sera déjà carencé , et donc en retard sur ses futurs concurrents.
En pratique on profitera donc au maximum de cette période juste avant l’accouplement pour distribuer grit, mélange minéral, oligo-éléments, vitamines, et acides aminés. Qui parmi vous pensait à donner une si grande importance aux 2 semaines précédent l’accouplement ?
Finalement, je ne pouvais bien sûr pas écrire un article sur le développement des pigeonneaux sans parler du lait de jabot. Particularité tout à fait remarquable de certains oiseaux. Mais de quoi se compose le lait de jabot ?
Le lait de jabot porte très mal son nom.
En effet, à l’inverse du lait des mammifères il ne se compose pas d’une sécrétion mais il est le résultat du développement intensif de l’épithélium (la paroi) du jabot. Les cellules de cet épithélium vont subitement se mettre à se remplir de plusieurs substances (protéines, matière grasses,…), avant d’être relâchées dans le jabot, un peu comme la peau peut peler quelques jours après un coup de soleil. Ces cellules, une fois régurgitées par les parents vont nourrir les jeunes pigeons.
Si nous étudions la composition de ce lait de jabot, on se rend compte qu’il contient environ 60% de protéines, 30% de matières grasses, ainsi qu’énormément de minéraux et d’oligo-éléments. Il contient également énormément d’autres substances essentielles à la vie du pigeonneau.
Des chercheurs ont d’ailleurs réalisé une expérience où après avoir donné du lait de jabot à de jeunes poussins, ils se sont rendu compte que ces derniers étaient non seulement plus gros que la moyenne des autres poussins, mais également que leur flore intestinale était plus variée. C’est donc cette substance qui permet aux pigeonneaux de multiplier leur poids par plus de 10 durant les tous premiers jours de la vie. C’est également ce lait de jabot qui permettra de mettre en place, toute la future armada de défenses immunitaires du pigeonneau.
Vous l’aurez compris, une production de lait de jabot optimale va donc couter beaucoup de réserves aux parents. Et ces réserves, à nouveau, c’est avant la naissance qu’ils devront les accumuler. S’ils doivent trop puiser dans leur réserves durant cette période, il n’est pas rare de voir des parents complètement déséquilibrer leur réserves et qui vont se mettre à manger trop de grit ou trop de minéraux après cette période, ou parfois même se mettre à boire de façon complètement exagérée lorsque les pigeonneaux auront environ 10 jours.
Il en résulte la conséquence bien connue: des parents qui nourriront leur jeunes avec moins de grains, plus d’eau, et nous voilà partis avec des jeunes qui ne poussent plus, et dont les fientes sont beaucoup trop liquides. Combien de colombophiles n’ont pas déjà rencontré cette situation?
En conclusion, si on voulait résumer tout ce qui est écrit plus haut en une phrase, nous pourrions donc dire, que de son 1er jour dans l’œuf à environ sa 1ère semaine de vie, l’état de santé du pigeonneaux sera influencé en grande partie par les soins fournis aux parents avant même la naissance du pigeon, voire avant même l’accouplement. Avec pour conséquence que lorsqu’un problème se déclare pendant l’élevage, il est déjà pratiquement trop tard pour rattraper à 100% les dégâts que cela créera chez le pigeonneau.